Alors que les fonds souverains accumulent plus de 13 000 milliards de dollars d’actifs dans le monde, les États-Unis envisagent de créer leur propre fonds, une initiative qui pourrait transformer leur paysage économique. L’Alaska, avec son Permanent Fund servant à financer un revenu universel partiel, offre un exemple concret et inspirant pour ce projet ambitieux.
L’Alaska Permanent Fund : un laboratoire grandeur nature
Créé en 1976, l’Alaska Permanent Fund (APF) est alimenté par 25 % des revenus pétroliers de l’État. Ce fonds investit ces revenus dans des actifs financiers diversifiés, générant des dividendes redistribués chaque année aux résidents. En 2022, chaque habitant a reçu 3 284 dollars, un montant record qui reflète la bonne santé financière du fonds. Depuis sa création, ce système a permis de réduire la pauvreté de 20 % en Alaska et d’améliorer des indicateurs sociaux tels que la santé des nouveau-nés et les taux d’obésité.
Contrairement aux craintes souvent associées au revenu universel, les études montrent que ce dividende n’a pas diminué le taux d’emploi à temps plein. Au contraire, il a favorisé une légère augmentation des emplois à temps partiel, offrant plus de flexibilité aux travailleurs. Ce modèle unique prouve qu’un revenu universel peut coexister avec une économie dynamique.
Pourquoi les États-Unis veulent un fonds souverain ?
La création d’un fonds souverain américain pourrait répondre à plusieurs objectifs :
- Diversification économique : Investir dans des secteurs stratégiques comme la technologie ou les énergies renouvelables.
- Stabilisation budgétaire : Réduire la dépendance aux fluctuations économiques en créant une réserve financière pour les générations futures.
- Redistribution sociale : S’inspirer du modèle alaskien pour financer un revenu universel ou des projets sociaux.
Cependant, contrairement à des pays riches en ressources naturelles comme la Norvège ou l’Arabie Saoudite, les États-Unis ne disposent pas d’excédents budgétaires évidents pour alimenter un tel fonds. Cela soulève des questions sur son financement initial et sa viabilité à long terme.
Les fonds souverains performants dans le monde
Les exemples internationaux montrent que les fonds souverains peuvent être des leviers économiques puissants lorsqu’ils sont bien gérés. Voici quelques modèles remarquables :
- Norvège : Le Government Pension Fund Global est le plus grand fonds souverain au monde, avec 1 530 milliards d’euros sous gestion en 2024. Alimenté par les revenus pétroliers du pays, il a généré un rendement record de 16 % en 2023 grâce à ses investissements dans les actions technologiques. Ce fonds détient 1,5 % de toutes les entreprises cotées dans le monde et contribue au financement de l’État-providence norvégien.
- Abu Dhabi Investment Authority (ADIA) : Avec environ 829 milliards de dollars d’actifs sous gestion, ce fonds émirati investit massivement dans l’immobilier et les infrastructures mondiales. Il joue un rôle clé dans la diversification économique des Émirats arabes unis.
- China Investment Corporation (CIC) : Avec 1 300 milliards de dollars d’actifs, ce fonds chinois se concentre sur des investissements stratégiques à l’étranger, notamment dans la technologie et l’énergie verte.
Ces exemples illustrent comment les fonds souverains peuvent non seulement stabiliser les économies nationales mais aussi générer des rendements impressionnants.
Le potentiel américain et ses défis
Pour les États-Unis, la création d’un fonds souverain pourrait s’appuyer sur plusieurs sources potentielles :
- Les revenus issus de nouvelles taxes sur les grandes entreprises technologiques.
- Les bénéfices tirés des exportations énergétiques ou industrielles.
- Une réallocation stratégique des réserves fédérales.
Cependant, plusieurs défis se posent :
- Financement initial : Contrairement aux pays pétroliers comme la Norvège ou l’Arabie Saoudite, les États-Unis devront trouver une source durable pour alimenter ce fonds.
- Gestion transparente : La gouvernance sera cruciale pour éviter toute politisation ou mauvaise allocation des ressources.
- Objectifs clairs : Le fonds devra équilibrer entre rentabilité financière et objectifs sociaux tels que le financement d’un revenu universel.
Vers un modèle hybride ?
Si l’Alaska montre qu’un revenu universel est possible à petite échelle grâce à un fonds souverain, sa transposition au niveau national nécessitera une approche hybride. Les États-Unis pourraient s’inspirer du modèle norvégien pour maximiser la rentabilité tout en adoptant une redistribution sociale ciblée.
En conclusion, la création d’un fonds souverain américain pourrait marquer une étape majeure dans l’histoire économique du pays. En s’inspirant des réussites internationales et du modèle alaskien, ce projet pourrait non seulement renforcer la compétitivité économique mais aussi offrir une réponse innovante aux inégalités sociales croissantes. Reste à voir si Washington saura relever ce défi ambitieux avec pragmatisme et vision stratégique.